Le jour où… L’épopée des plénipotentiaires allemands de l’armistice.
Dessin de Scott : arrivée des plénipotentiaires allemands
Nous avons tous en mémoire les images de la rencontre des plénipotentiaires allemands avec le maréchal Foch dans la carrière de Compiègne, lors de la signature de l’armistice. Leur puissance et le poids de l’histoire ont quelque peu occulté les conditions dans lesquelles ils ont réussi à se rendre à Rethondes, ainsi que celles de leur séjour en France jusqu’au 11 novembre. C’est une histoire digne d’un thriller qui mérite d’être relatée.
Tout a commencé le 5 novembre avec la réception par la station de la tour Eiffel d’un message non crypté émis de Spa, en Belgique, qui demande à prendre contact pour la mise sur pied de pourparlers dans la perspective d’un éventuel armistice. Une fois la délégation précisée, le maréchal Foch a fixé le point d’entrée et de rencontre dans la région de La Capelle, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Saint-Quentin.
Carte : parcours des plénipotentiaires allemands
Parallèlement, tout un dispositif est mis sur pied pour permettre les pourparlers dans une clairière de la forêt de Compiègne, à côté de Rethondes. Les plénipotentiaires allemands y seront amenés par le biais d’un train spécial armé, avec un détachement de sécurité dédié et toute une équipe hôtelière d’origine alsacienne afin de pouvoir capter les conversations en allemand.
Des instructions sont donc données à la 166ème Division pour accueillir les négociateurs sur la route Chimay-Fourmies-La Capelle-Guise.
Sous la direction de Mathias Erzberger (cliquer pour voir sa biographie), la délégation allemande arrive à Spa, le 7 novembre à midi. Compte tenu de l’état des routes et de divers accidents de parcours, les véhicules ne parviendront qu’à 20h20 aux avant-postes français.
Photos : le capitaine Lhuillier.
Le destin offre au capitaine Lhuillier, commandant la 3ème Compagnie du 171ème Régiment, de « réceptionner » le convoi.
Remplaçant le clairon allemand, un clairon du régiment, le caporal Seillier, monte sur le marchepied pour annoncer les arrivants. Tout le long du parcours qui mène au point de rendez-vous avec le général Debeney, l’autorité française de contact, dans une ferme à Homblières, Seillier alterne le Cessez le feu et les refrains des régiments et bataillons de chasseurs de la division.
La ferme à Homblières de la rencontre avec le général Debeney.
Le Miroir : la délégation allemande
Après avoir rencontré le général Debeney, la délégation allemande est « poussée » vers Tergnier où un train, comprenant la voiture-salon utilisée par Napoléon III, l’attend.
À 3h45, il s’ébranle en direction de la clairière de Rethondes qu’il atteint à 5h30, rejoint par un autre convoi, celui de Foch.
À 9h00, le maréchal Foch reçoit les Allemands et leur dévoile les conditions d’une capitulation sans condition, à accepter sous 72 heures.
Le capitaine de cavalerie Wolf-Heinrich Von Helldorf se voit confier la mission de transmettre les documents au Haut Commandement allemand. Il reprend donc la route pour repasser la ligne de front. Mais, entre-temps, la trêve initiale a cessé de sorte qu’il se retrouve dans l’incapacité de franchir les lignes ! De retour à 5h00, le 9 novembre, il n’y parviendra qu’à 14h20 en automobile, accompagné d’un capitaine français, alors qu’en dernier recours, le commandement français avait envisagé de le faire déposer par avion !
Photo : Von Helldorf tente de regagner ses lignes
Finalement, ce n’est qu’à 18h00 que le successeur de Ludendorff prend connaissance des clauses, alors que le contexte politique national est devenu quasi-révolutionnaire. Le gouvernement provisoire allemand finit par communiquer son accord via le télégraphe, qui parvient à 19h00 aux négociateurs, accolé d’un code de sécurité pour que Erzberger en valide l’authenticité.
La suite appartient à l’histoire que nous connaissons tous, mais il y a toujours de petites histoires dans la grande…
Pour commencer attachons-nous au destin de deux participants allemands : les nationalistes allemands ne pardonneront jamais à Erzberger d’avoir signé l’armistice et l’assassineront en 1921 ; quant à Von Helldorf, il ralliera le nazisme et s’impliquera dans les actions antisémites et l’extermination des Juifs. Il était devenu préfet de police de Berlin avant de participer d’une manière ambiguë à la conspiration du 20 juillet 44 contre Hitler. Il sera pendu à la prison de Plötzensee après avoir dû surveiller, consécutivement à un ordre haineux d’Hitler, l’exécution de trois autres conjurés… Curieux destin !
Excelsior du 11 novembre : la photo des plénipotentiaires allemands discutant des conditions de l’armistice au château de Francport… un faux grossier, un des personnages (au centre) n’étant même pas à la même échelle que les autres !
La presse française, de son côté, qui n’avait aucun accès au site des négociations en zone militaire, inventera des multitudes de légendes sur cet évènement, dont celui de l’hébergement de la délégation allemande dans un château alors qu’elle n’a quitté son train que pour se rendre dans celui de Foch. Elle prouvait ainsi que, bien avant internet, les fake-news étaient une pratique déjà courante qui n’a fait que prospérer : dans l’euphorie de la victoire, tout était bon afin d’augmenter les ventes … et la rumeur court toujours sur internet plus de 100 ans après !
En revanche, l’histoire des poilus présents lors du transit des véhicules allemands est véridique : émus, imaginant difficilement que la fin de la guerre pouvait être imminente, ils se partageront les morceaux des drapeaux blancs accrochés aux automobiles, telles de précieuses reliques.
Les « fake news » fleurissent dans la presse française habilement écartée du site par Foch.
Le Miroir du 24 novembre : alors qu’Excelsior a déjà avoué sa supercherie, le château de Francport où sont reçus et logés les négociateurs allemands… et leur suite !
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Voilà une page de l’Histoire avec un grand H. L’homme est incorrigible, quand il ne se bat pas pour se défendre il le fait pour attaquer (le serpent qui se mort la queue). Des publications comme celle-ci ne sont pas courantes ou du moins je suis passé à côté. Merci beaucoup.