Le jour où… Mort au combat héroïque du caporal Freddie Stowers du 371èmeRégiment d’Infanterie américain.
Photo : le mémorial de Stowers aux USA
À l’ouest de l’armée américaine de Pershing, la 4ème Armée du général Gouraud rencontre moins de difficultés dans son offensive que les Doughboys, ce qui n’empêche pas de lourdes pertes. Faisant la liaison avec les Américains et attaquant en direction de Séchault (voir carte), la 157ème Division française est commandée par le général Mariano Goybet, un combattant chevronné qui a pris la tête de cette unité reconstituée après avoir été décimée au Chemin des Dames au printemps précédent ; sa particularité est d’être composée d’un régiment d’infanterie français et de 2 régiments américains de couleur.
C’est l’un de ces soldats noirs, le caporal Stowers, qui est le héros de ce 28 septembre au prix de sa vie : regroupant les hommes autour de lui, il a contribué à la réduction des nids de mitrailleuses allemandes qui bloquaient l’avancée alliée.
Stowers sera, jusqu’à très récemment, le seul soldat de couleur récompensé de la Médaille d’honneur du Congrès ou Medal of Honor. Elle sera remise à titre posthume à ses deux soeurs survivantes, à la Maison Blanche, par George H. W. Bush, le 24 avril 1991 !
La citation pour la Medal of Honor du hellfighter résume bien son exceptionnel fait d’armes :
Le caporal Stowers se distingua par son héroïsme exceptionnel le 28 septembre 1918 alors qu’il servait en tant que chef d’escouade au sein de la Compagnie C, 371ème Régiment d’Infanterie, 93ème Division. Sa compagnie était celle de tête pendant l’attaque de la cote 188, secteur de Champagne-Marne, France, pendant la Première Guerre mondiale.
Quelques minutes après le début de l’attaque, l’ennemi cessa le feu et commença à grimper sur les parapets des tranchées, à lever les bras en l’air comme s’il souhaitait se rendre. Les agissements de l’ennemi firent cesser le feu des forces américaines et les firent se mettre à découvert. Alors que la compagnie commençait à avancer et qu’elle n’était plus qu’à environ 100 mètres de la ligne de tranchées, l’ennemi sauta de nouveau dans ses tranchées et accueillit la compagnie du caporal Stowers par des tirs croisés de mitrailleuses et de mortiers causant bien plus de cinquante pour cent de pertes.
Confronté à une incroyable résistance ennemie, le caporal Stowers chargea, montrant un si courageux exemple de bravoure personnelle et d’aptitude au commandement qu’il en incita ses hommes à le suivre à l’attaque. C’est avec un héroïsme extraordinaire et un complet dédain du danger personnel sous un feu dévastateur qu’il rampa vers l’avant en menant son escouade vers un nid de mitrailleuses ennemi qui causait de lourdes pertes à sa compagnie.
Après un féroce combat, la position de la mitrailleuse fut détruite et les soldats ennemis furent tués. Montrant un grand courage et une grande intrépidité, le caporal Stowers poursuivit l’attaque contre un ennemi déterminé. Alors qu’il rampait vers l’avant et encourageait ses hommes à poursuivre l’attaque sur une deuxième ligne de tranchées, il fut gravement blessé par une rafale de mitrailleuse.
Bien que mortellement blessé, le caporal Stowers maintint la pression vers l’avant, encourageant les membres de son escouade, jusqu’à sa mort. Inspirée par l’héroïsme et le courage exemplaire du caporal Stowers, sa compagnie continua l’attaque à une cote incroyable, contribuant à la prise de la Cote 188 et causant de lourdes pertes à l’ennemi.
La remarquable bravoure du caporal Stowers, son extraordinaire héroïsme et son dévouement suprême à ses hommes furent bien au-dessus et au-delà de l’appel du devoir, suivent les plus hautes traditions du service militaire et renvoient le plus grand honneur sur lui et l’armée des États-Unis.
Nous n’avons pas de photographie de ce soldat héroïque ; le monument érigé en son honneur dans les Ardennes fut détruit pendant les combats de la 2ème guerre mondiale. Sa mémoire est néanmoins entretenue par une statue aux États-Unis.
Le général Goybet conservera ses Hellfighters jusqu’au 20 décembre 1918, après les avoir emmenés sur le front des Vosges. Ce n’est pas sans émotion qu’il leur dira adieu dans un dernier ordre du jour :
Avec un profond sentiment d’émotion de la part de la 157ème Division et en mon nom personnel, je viens faire mes adieux à nos braves camarades. Durant 7 mois, nous avons vécu comme des frères d’armes, s’associant dans les mêmes actions, partageant les mêmes épreuves et les mêmes dangers.
Côte à côte, nous avons participé dans la grande bataille de Champagne qui a été couronnée par une formidable victoire.
La 157ème Division n’oubliera jamais l’indomptable énergie, la charge héroïque des régiments Américains sur la crête d’observation et dans les plaines de Monthois. Les défenses les plus puissantes, les bastions les plus fortement organisés, les barrages d’artillerie les plus lourds, rien ne pouvait les stopper. Ces régiments extraordinaires surmontèrent tous les obstacles avec le plus grand complet mépris du danger, avec leur dévouement permanent.
La division « main rouge » pendant 9 jours de combat violent fut constamment un modèle d’exception pour l’avance victorieuse de la 4ème Armée.
Officiers, sous-officiers, et soldats, je salue respectueusement nos soldats qui sont tombés, et je salue vos couleurs, côte à côte avec le drapeau du 333ème Régiment d’Infanterie, ils nous ont montré le chemin de la victoire.
Chers amis d’Amérique, quand vous serez de retour de l’autre côté de l’océan, n’oubliez pas la division « main rouge ».
Notre fraternité a été cimentée dans le sang des braves et un tel lien ne sera jamais détruit. Souvenez-vous de votre général qui est fier de vous avoir commandés et soyez sûr de sa reconnaissance éternelle.
Général Goybet Commandant la 157ème Division.
Photo : les Hellfighters en Champagne
Ces soldats noirs américains, qui ne déméritèrent jamais, ayant souvent agi et combattu dans l’ombre, il est justice de remettre en avant leur engagement. Pour ce faire, si vous êtes anglophone, je vous invite à vous plonger dans la lecture de l’ouvrage très exhaustif sur le sujet d’Emmet Jay Scott : The American Negroe in the world war (cliquer pour voir), publié en 1919, juste à l’issue de la guerre (NDE, il est recommandé de télécharger l’eBook pour le lire… 616 pages !).
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