Le jour où… Maurice Genevoix est grièvement blessé aux Éparges (voir la carte).
Photo (été 1915) : Maurice Genevoix en convalescence à Bourges
Maurice Genevoix, au moment où il est blessé, commande la 5ème Compagnie du 106ème Régiment d’Infanterie, bien qu’il ne soit qu’officier de réserve, ce qui démontre bien les pertes subies dans les rangs des officiers durant ces 9 premiers mois de guerre.
Ce 25 avril, il est très grièvement blessé et évacué du front. Il passera 7 mois dans les hôpitaux avant d’être réformé et déclaré invalide à 70%.
De son expérience de combattant et en s’appuyant sur ses carnets de guerre, il tirera plusieurs ouvrages qu’il rassemblera ultérieurement sous le titre Ceux de 14. À leur lecture, on se retrouve plongé dans le quotidien des fantassins en Argonne et dans la Woëvre. Le récit est tellement réaliste que l’on ressent presque physiquement le froid, l’humidité et l’odeur de la boue. Maurice Genevoix décrit en détail le quotidien des fantassins pendant les 9 premiers mois de la guerre, jusqu’à sa blessure ; l’homme est véritablement au cœur de son témoignage à la différence d’Ernst Jünger qui place la guerre, notre mère, pour reprendre le titre de l’une de ses œuvres, comme héroïne principale de ses romans ou écrits de guerre.
Ironie de l’histoire : le Journal de Marche et des Opérations du 106ème RI prouve que ce jour-là, le régiment de Genevoix a affronté le régiment de Jünger, le 73ème Hanovrien !
Paradoxe des blessures et des combats : si Genevoix n’avait pas été blessé à cette date, il aurait sans doute continué à combattre au front avec toutes les chances statistiques d’y rester ! Sa blessure nous a ainsi valu l’un des plus grands livres sur la guerre et des réflexions profondes sur la camaraderie, la légèreté de la vie et la foudroyance de la mort. Toute sa vie sera hantée par le souvenir et la mémoire de ses camarades morts au combat. Il œuvrera ainsi pour la création du mémorial de Fleury, à Verdun, à l’occasion du cinquantenaire de la bataille de Verdun en 1966.
Au soir de sa vie, Maurice Genevoix écrira un petit ouvrage, La mort de près, où il exprimera, avec une intensité intime extrême, ces instants où le soldat est face à lui-même et au devenir de son existence elle-même. À la lecture de son récit, je me retrouve à sa place dans le brancard brinquebalant que portent mes hommes pour m’amener au poste de secours, je ressens cette force qui s’étiole, emmenant inexorablement vers la mort rejoindre le camarade Porchon, je me surprends à imaginer le regard des autres sur mon corps pâlissant, et enfin, je me réjouis des soins que me prodigue l’infirmière qui me ramènent à la vie…
L’illustration (01 05 15) : l’évacuation d’un blessé sur les pentes boisées des Éparges
Genevoix savait d’où il revenait, c’est bien pour cette raison qu’il n’a jamais trahi la mémoire de ses compagnons lorsqu’il les évoque dans sa conclusion de Ceux de 14 :
Notre guerre…Vous et moi, quelques hommes, une centaine que j’ai connus. En est-il donc pour dire : « La guerre est ceci et cela » ? Ils disent qu’ils comprennent et qu’ils savent ; ils expliquent la guerre et la jaugent à la mesure de leurs débiles cerveaux. On vous a tués, et c’est le plus grand des crimes. Vous avez donné votre vie, et vous êtes les plus malheureux. Je ne sais que cela, les gestes que nous avons faits, notre souffrance et notre gaîté, les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres, et votre mort.
Vous n’êtes guère plus qu’une centaine, et votre foule m’apparaît effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurai-je perdu chaque demain, et vos paroles vivantes, et tout ce qui était vous ? Il ne reste plus que moi, et l’image que vous m’avez donnée.
Presque rien : trois sourires sur une toute petite photo, un vivant et deux morts, la main posée sur leur épaule. Ils clignent des yeux tous les trois, à cause du soleil printanier. Mais du soleil, sur la petite photo, que reste-t-il ?
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